France inter ce matin. Le but de ce blog n’est pas forcément de commenter les émissions politiques mais le fait que Jean-Marc Daniel, un des deux invités, soit professeur d’économie lui confère une autorité sur les non économistes. Et là c’est grave car il dit des choses fausses.
Par exemple, il dit que depuis que l’on accumule de la dette, les taux de croissance sont plus faibles. De fait, il est vrai que les taux de croissance sont plus faibles qu’ils ne l’étaient auparavant, mais établir une causalité est un pas qu’un économiste ne peut franchir comme cela. Le constat que deux évènements apparaissent en même temps n’implique en rien une relation causale entre les deux. En tout état de cause, on pourrait arguer que c’est la plus faible croissance qui a entraîné l’endettement. Bref, c’est une erreur.
La politique menée serait celle qu’Obama va engager. Encore une contre-vérité. Primo, rien n’est fait puisqu’il n’y a pas d’accord. En outre, la proposition d’Obama est à dessein une proposition centriste afin d’obtenir un accord avec les républicains. Les démocrates américains envisagent un retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2040, je doute que Daniel serait d’accord avec cela. En tout état de cause, si Obama promet de réduire les dépenses publiques, c’est avant tout afin de faire un geste en échange de hausses d’impôts. Le déficit américain est aujourd’hui bien plus élevé qu’en France par exemple (en part du PIB évidemment), et cela ne changera pas de sitôt.
De plus en plus de billets circulent en Grèce ce qui serait une preuve du marché noir qui se développe pour soutenir la théorie fumeuse du trop d’impôt tue l’impôt. Cette histoire s’appuie sur une courbe tracée par Laffer sur un coin de table et qui n’a jamais été fondée théoriquement (donc on ne connaît pas du tout sa forme, sauf qu’évidemment, à 100%, il n’y aurait plus d’activité). Elle ne tient pas compte de la progressivité de l’impôt et est largement contredite par le fait que, par exemple, aux Etats-Unis, jusque dans les années 70 comme le soulignent Piketty et Saez (lien vers le commentaire de Krugman plutôt que le papier, mais vous y trouverez le lien vers le papier), les taux marginaux des plus hautes tranches avoisinaient les 70%, 90% dans les années 50! (On pourrait faire comme lui et dire que c’étaient ces taux élevés qui ont expliqué les taux de croissance importants jusque dans les années 70, mais nous contenterons de dire qu’a priori, ils n’ont pas empêché la croissance d’être bonne). Concernant l’affirmation sur les billets en Grèce, elle est simplement fausse comme vous pourrez le constater ici (qui explique bien que la quantité de billets est représentée par l’agrégat monétaire M1) ou encore ici (sur le deuxième lien, je vous invite à restreindre la période de janvier 2008 à aujourd’hui, c’est éloquent, à moins que la crise ait débuté il y a 1 mois…). Encore pour le contredire, par exemple en France, l’agrégat M1 a bien plus crû. Aussi, il y a plus de billets par habitants en France qu’il n’y en a Grèce, autre erreur (le rapport des deux M1 est d’environ 9 pour un rapport de population de 6,5 environ).
Merci à Bernard Guetta de s’insurger pour l’erreur suivante. Rien ne prouve que l’investissement privé soit plus porteur de croissance dès lors que l’état investit dans une activité productive (je rappelle la note d’ecolinks sur le dénigrement trop rapide et infondé de l’Etat producteur). On notera la fuite sur l’argumentaire en sortant avec une histoire saugrenue d’inflation que l’on paierait aujourd’hui…
N’en jetez plus! Je n’ai même pas envie de parler de son explication du déficit commercial de la France. Je croyais que seul Krugman avait ses économistes bien en vue qui disaient à longueur de temps des choses erronées, nous avons trouvé leur pendant en France (bien que moins renommé).
A l’heure où plusieurs chercheurs disent que le problème de défiance généralisée des citoyens que l’on connaît provient de ce que tout un chacun peut trouver des informations relativement peu fiables sur la toile et adhérer à des théories farfelues (pour ceux intéressés je recommande l’écoute de cette interview de Gérald Bronner sur France Culture, ou pour ceux qui préfèrent, sur France Inter), il devient une faute grave que quelqu’un se revendiquant chercheur en économie fasse de telles erreurs. Car une matinale de France Inter, cela influence forcément beaucoup plus que ne le fera ce petit post qui pourtant s’efforce, lui, de s’appuyer sur des informations vérifiables en donnant les sources.